Rendu au rappel de son concert, Yannick Rieu a annonc\u00e9 que son quartet allait \u00ab sortir un peu de Coltrane \u00bb et de l\u2019album au programme de la soir\u00e9e pour plut\u00f4t jouer un standard. Puis, en ajustant son saxophone, il ajouta : \u00ab Quoiqu\u2019on n\u2019est jamais vraiment rentr\u00e9 dedans. \u00bb C\u2019\u00e9tait, pr\u00e9cisons, une boutade.<\/p>\n
Car Rieu a dirig\u00e9 samedi \u00e0 la Cinqui\u00e8me salle (qui \u00e9tait comble) le parfait hommage \u00e0 Coltrane : loin de l\u2019oeuvre originale \u2014 dans le cas pr\u00e9sent, Both Directions at Once : The Lost Album<\/em>, cet album in\u00e9dit datant de 1963 et r\u00e9v\u00e9l\u00e9 l\u2019an dernier \u2014, mais au plus pr\u00e8s du sens de la musique du g\u00e9ant am\u00e9ricain.<\/p>\n C\u2019est-\u00e0-dire ? Plut\u00f4t que jouer l\u2019album d\u2019un bout \u00e0 l\u2019autre, Yannick Rieu a choisi une approche toute coltranienne : s\u2019inspirer de l\u2019oeuvre (dans le cas pr\u00e9sent, en conservant comme pivot les courts th\u00e8mes m\u00e9lodiques des pi\u00e8ces) pour explorer tout ce que le jazz compte de couleurs, cela gr\u00e2ce \u00e0 de longues et vigoureuses improvisations.<\/p>\n Both Directions at Once<\/em> a donc \u00e9t\u00e9 un point de d\u00e9part, une rampe de lancement, le pr\u00e9texte d\u2019une mise en orbite. Rieu avait suivi la m\u00eame approche au moment de s\u2019attaquer au colossal album A Love Supreme<\/em>, il y a quelques ann\u00e9es. Et dans les deux cas, c\u2019est ce choix de la libert\u00e9 absolue qui explique la beaut\u00e9 \u2014 la puissance \u2014 du r\u00e9sultat.<\/p>\n En entrevue la semaine derni\u00e8re, Yannick Rieu racontait qu\u2019il per\u00e7oit Coltrane comme un \u00eatre qui \u00e9tait en perp\u00e9tuelle recherche de nouveaux chemins, tant int\u00e9rieurs et musicaux. Et qu\u2019il serait \u00ab ridicule \u00bb de tenter de le copier. C\u2019est donc un quartet totalement affranchi qu\u2019on a trouv\u00e9 sur sc\u00e8ne samedi, et tant mieux.<\/p>\n Avec Jean-Michel Pilc au piano, R\u00e9mi-Jean Leblanc \u00e0 la contrebasse et Andr\u00e9 White \u00e0 la batterie, Yannick Rieu (sax t\u00e9nor et soprano) a explor\u00e9 des territoires parfois tr\u00e8s doux, mais aussi parfois tourment\u00e9s. \u00c0 des s\u00e9quences blues bien senties, des \u00e9clats pas si loin du free ont fus\u00e9. Des contrastes, de l\u2019intensit\u00e9, de la profondeur \u2014 splendide et douce version t\u00e9nor \/ piano de \u00ab Nature Boy \u00bb.<\/p>\n Le constat, c\u2019est que John Coltrane a l\u00e9gu\u00e9 beaucoup plus que des albums imm\u00e9moriaux. Il a laiss\u00e9 en h\u00e9ritage une mani\u00e8re d\u2019approcher la musique pour, toujours, l\u2019amener ailleurs. C\u2019est ce dont le quartet de Yannick Rieu a t\u00e9moign\u00e9 samedi. Et en ce sens, il est totalement rentr\u00e9 dedans.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Rendu au rappel de son concert, Yannick Rieu a annonc\u00e9 que son quartet allait \u00ab sortir un peu de Coltrane \u00bb et de l\u2019album au programme de la soir\u00e9e pour plut\u00f4t jouer…<\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":294,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[40],"tags":[],"class_list":{"0":"post-387","1":"post","2":"type-post","3":"status-publish","4":"format-standard","5":"has-post-thumbnail","7":"category-le-devoir-fr"},"yoast_head":"\n